Violence et paroles douces
Projet mené en 2019
Le Théâtre de la parole a travaillé avec le TEFO ASBL.
Assia Azeebal ( coordinatrice TEFO)
Magali Mineur (Coordination générale du projet – Théâtre de la parole)
Zazie Prignon ( artiste de la parole intervenante)
Jean-Paul Tournay ( artiste intervenant – concepteur/architecture)
Hamadi (conception et réalisation des collages)
Avec le soutien de la Fédération Wallonie Bruxelles (Education Permanente)
Thématique
Retrouver le sens de la pratique sociale de l’acte de prendre la parole
Présentation du partenaire pour ce projet
Le Centre Tefo est une association créée en 2001 et située dans le quartier de la Senne, à deux pas de la station de pré-métro Yser. Il propose un panel d'activités très varié pour petits et grandes.
Pour les adultes :
- Cours d'alphabétisation en français
- Cours de FLE (français langue étrangère)
- Parcours d'intégration pour primo-arrivants (en partenariat avec les BAPA et VIA)
Objectifs
Il s’agit d’analyser la langue orale (langue maternelle et langue d’adoption), sa portée sociale (rapports de pouvoir, ordre social, injonctions, ...) et dégager un outil pour accéder aux droits culturels grâce à l’oralité vivante.
A partir d’un travail collectif, les mots dévoilent leurs sens premiers, leurs sens cachés, leur utilisation en fonction des milieux sociaux. Leur portée symbolique et leur force d’impact sur la réalité est questionnée à travers des exercices pratiques mêlant langue maternelle, et langue d’adoption (le français en l’occurrence).
La confrontation avec des épisodes représentatifs de certains moments de l’Histoire est réalisée à partir de séances d’écoute collectives : discours de dirigeants, discours de dictateurs, contenus partagés de textes utilisés dans les chants révolutionnaires, manifestes, articles de presses, ... La violence apparente ou déguisée ainsi que leur « douceur » sont mises à jour à la fois dans le langage quotidien et le langage « social ».
Afin de rendre le travail analytique concret, un jeu de dés est créé avec le groupe, les règles sont définies collectivement, des tests d’utilisation sont pratiqués. Puis une phase de production du jeu dans sa forme en bois, définitive est réalisées avant la diffusion du jeu de façon plus large.
Support
Jeu en bois composé d'un plateau et de dés
Pistes d'utilisation de l'outil
Avant de prendre connaissance des règles du jeu, nous proposons :
- Un moment d’écoute collective :
Hampâté Bâ : l’écriture est-elle plus fiable que l’oralité ?
Un des plus grand conteurs de l’histoire, défend la pertinence de l’oralité face à l’écriture. 21m17
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Discours de Nicolas Sarkowsy - 1m25'
Discours de Patrice Lumumba - 12m47
En amont de l’écoute, le cadre est replacé :
A propos de Patrice Lumuba
Né en 1925 au Congo Belge Patrice Lumumba — de son vrai nom Elias Okitasombo — est fils de paysan. Il reçoit une éducation scolaire dans les écoles missionnaires chrétiennes avant de rejoindre les rangs des « évolués ». En 1958 il affirme ses opinions anticolonialistes et fonde à Léopoldville, le Mouvement national congolais. Il rencontre Frantz Fanon, et précise sa position antiimpérialiste. Il est arrêté par les autorités belges en 1960 ce qui provoque la marche vers l’indépendance. Lors du discours de l’indépendance il rappelle devant le Roi Baudouin l’œuvre colonisatrice de Léopold II. Son assassinat le 17 janvier 1961 est orchestré par les autorités belges, congolaises, états-uniennes via la CIA.
-> le discours de Lumumba avait été écrit en amont. Et c’est au moment de le rendre public devant les autorités belges, que Lumumba a pris la décision de ne pas s’y tenir. La parole oratoire comme vecteur de dénonciation, de revendications, de libération face à une oppression (dans ce cadre, celle des colonisateurs occidentaux). Il ne s’agit pas ici de s’attacher à l’analyse du contenu mais bien à ce qui distingue cette parole dénonciatrice face à des « « autorités » dans ce contexte particulier.
A propos de Nicolas Sarkowsy
Né en France le 28 janvier 1955 il est président de la République française de mai 2007 à mai 2012. Sa façon d’utiliser les médias et la communication symbolise une rupture par rapport à ses prédécesseurs. Il a été condamné en 2023 à 3 ans de prison dont un an ferme avec détention à domicile sous bracelet électronique pour corruption et trafic d’influence. En 2024 il est condamné à 6 mois de prison ferme pour financement illégal de sa campagne électorale de 2012. Le discours proposé a été prononcé à l’Université de Dakar en 2007.
Ces trois supports, permettent d’introduire la dimension de l’oralité dans ce qu’elle a de différent avec l’écrit, mais également de distinguer trois niveaux différents :
- L’oralité dans l’histoire : ici l’oralité est replacée dans un cadre historique. Quelle perception l’Histoire des vainqueurs donne-t-elle à l’importance de l’écrit comme moyen unique pour faire civilisation.
- Les mots dans un discours politique OU la violence énoncée : ce discours porté par le président d’un pays occidental dévoile ce qui est véhiculé comme vision de l’Autre.
- Les mots dans un discours politique OU la violence dénoncée : ce discours révèle combien les paroles et le langage peuvent être un moyen pour renverser un rapport de force, en donnant à entendre une Autre lecture de l’Histoire, celle des vaincus.
Le jeu se pratique seul, ou à plusieurs avec trois (minimum) ou six dés (maximum).
Un temps de préparation est proposé aux joueurs pour définir :
- Le contexte dans lequel les mots vont résonner. Voici quelques contextes à titre d’exemples :
- contexte social : une injustice, une revendication, une discrimination vécue ou observée, une solidarité vécue ou observée ou espérée, ...
- contexte familial : une injonction, un soutien exprimé, une habitude, une règle,...
- contexte individuel : un souvenir, une anecdote, une blague, ...
- contexte fictionnel : une histoire, un film, un chant, une poésie, ...
Les joueurs sont invités à dire pourquoi le contexte a été choisi.
Les dés sont lancés, un à un dans table de jeu.
Trois dés jetés permettent de voir apparaître 3 mots, au maximum sachant que la face non pourvue d’un signe écrit (laissé blanche) constitue l’indication de pouvoir choisir un mot de liaison en complément des mots désignés par le jeu. Ce mot « choisi » et écrit révèle une idée, une émotion, un symbole. User d’un jeté de plus ou de deux dés supplémentaires augmentera le vocabulaire et la complexité grammaticale et littéraire (apparition respectivement) de 6 mots ou de 5 mots.
L’objectif est d’associer les mots révélés par les dés pour rédiger des phrases, petits poèmes, petits textes, Haïku…
Cet outil peut servir à concentrer les revendications d’un groupe, à créer un texte qui sera support d’une action dans l’espace public, d’une manifestation, d’un manifeste, ...
Diffusion du jeu
Lors de notre festival Paroles de résistance en octobre 2019, le public présent a été invité à y jouer.
En effet, la simplicité des règles permet à un ou plusieurs « joueur » de découvrir une nouvelle manière de manipuler les mots, de construire des phrases. De cette façon nous avons pu observer de petits groupes se former autour du plateau. Dans ce cadre, les participants ont utilisé les mots pour la rédaction d’un poème, d’un petit texte, d’une courte histoire ou encore d’un Haïku. Nous avons pu observer comment les mots résonnent différemment d'une personne à l'autre. Cela démontre, également, que le jeu est accessible quel que soit le public rencontré. Il met en avant le développement de la citoyenneté active, l’exercice des droits culturels dans une perspective d’émancipation individuelle et collective. En s'exprimant, chaque citoyen défend son point de vue, sa créativité,...
En janvier 2022, deux membres de l'équipe du Théâtre de la parole se sont rendues au Centre Culturel Marcel Hicter. La directrice voulait sensibiliser son personnel à l'éducation permanente. Nous lui avons proposé de présenter nos différents outils réalisés. Suite à cette présentation, l'équipe a été mise en action. En petit groupe, nous leur avons proposé de nous donner leur définition de l'éducation permanente. Suite à la mise en commun de leur définition, les animatrices ont noté leurs mots-clés sur les dés du jeu. Chaque groupe a dû lancer les dés. En fonction des mots inscrits ils ont dû créer une poésie, une chanson,...afin d'à nouveau redonner une définition de l'éducation permanente de manière plus ludique. Une autre méthode mais qui a montré toute l'utilité de ce jeu dans une autre situation.
Bibliographie
Novarina Valère, Devant la parole, P.O.L, 1999
Barthes, Roland, Le degré zéro de l’écriture, Points, 1972
Jean Chevalier, Alain Gheerbrant, Dictionnaire des symboles, Robert Laffont, 1982
Brunstein Bruno, Les mots et les sens, Books on demand, 2017
Pour développer et adapter des outils pour adultes :
Christoph Niemann, Mots, Ecoles des loisirs, 2017
Gibert Bruno, Tout en rimes, Seuil jeunesse, 2019
Contact
Animation, formation et accompagnement ainsi que mise en place d’un évènement – Magali Mineur –magali.mineur@theatredelaparole.be